Théophile Ray – Le Char Bonheur

Livraison de repas équilibrés et durables dans les zones logistiques éloignées des restaurants.

Rendre accessibles de bons repas

Théophile est un des lauréats régionaux du concours Talents des Cités. Il nous parle de son parcours : « Depuis toujours, je suis passionné par la conception et la mise en œuvre de systèmes innovants. En tant que responsable en amélioration continue, j’ai découvert mon goût pour la formation, l’inspiration des équipes et la conduite de projets fédérateurs. Par ailleurs, mon engagement dans des associations militantes pour d’aide aux migrants m’a permis de contribuer à des initiatives concrètes.

Pendant une période, j’ai exercé comme logisticien dans une entreprise où j’ai constaté qu’il n’y avait aucune offre de restauration à moins de 20 minutes. Fast-foods et services comme Deliveroo étaient trop chers, et les pauses de 20 minutes ne permettaient pas de profiter d’un vrai repas. J’ai étudié cette problématique et imaginé une solution : une cantine d’entreprise proposant des plats variés et de qualité, livrés par des coursiers. L’idée de pouvoir offrir un bon repas réconfortant à ceux qui n’ont pas accès à ce type de service m’a vraiment motivé. Cela a aussi permis de montrer à certains que les légumes, bien cuisinés, peuvent être savoureux. Avec le temps, les habitudes alimentaires de certains de mes clients ont changé, et beaucoup se sont mis à apprécier des plats équilibrés, loin du classique viande-féculents.

Quand j’ai quitté mon entreprise, je savais que j’allais créer la mienne. J’ai préparé ma transition en concevant ma propre fiche de poste et en prenant le temps de mûrir mon projet. J’ai voyagé pendant un an pour observer différentes réalités et tester mes idées dans le cadre d’un projet pilote. Cela a confirmé mon analyse tout en révélant de nouvelles problématiques. Depuis un mois, je suis officiellement en activité.

L’un des principaux problèmes rencontrés concerne l’approvisionnement. Les restaurateurs proposant une cuisine familiale ne peuvent souvent pas profiter des opportunités liées à la foodtech à cause de toutes les contraintes inhérentes à ce système : comme des pénalités, des variations de chiffre d’affaires ou des pics d’activité difficiles à gérer. Ce que je propose leur convient bien mieux : J’achète leurs produits en semi-gros et je centralise tout dans un hub. Nous harmonisons ensuite les besoins pour répondre aux commandes avec une production interne.

Je m’approvisionne en circuit court et, en plus de leurs achats, je propose aux restaurateurs un accès à des ressources plus vertueuses et durables, souvent inaccessibles à cause des coûts, notamment ceux de la livraison. En mutualisant ces coûts, j’arrive à les réduire pour tous. Mes clients s’emparent du projet avec enthousiasme. Je cible des zones peu couvertes par les offres existantes, en adaptant mes prix aux tickets-restaurants. Mon projet est conçu pour être accessible et pertinent pour ces populations.

Un projet à fort impact social

C’est grâce à BGE PaRIF, que j’ai pu structurer cette idée. Au départ, je ne connaissais pas la législation des entreprises et mon projet a évolué plusieurs fois. Ces échanges m’ont permis de confronter mes idées à des regards extérieurs et de mieux comprendre la démarche entrepreneuriale. J’ai souvent eu l’impression que mon entourage ne comprenait pas ma vision. Pourtant, en travaillant sur le prévisionnel financier et en identifiant les éléments manquants, j’ai gagné en clarté. La période avant Talents des Cités a été marquée par des moments de doute. Je sentais que mon projet stagnait. C’est BGE qui m’a encouragé à participer au concours. Sans eux, je n’aurais jamais envisagé cette opportunité, car je viens d’un milieu très éloigné de ce monde.

Aujourd’hui, j’ai pu recruter cinq personnes, dont une en CDI, grâce à un dispositif spécifique pour les quartiers prioritaires. Ces collaborateurs partagent ma vision et contribuent à faire avancer le projet.

En ce qui concerne mes clients, je privilégie un contact direct. En discutant avec eux, je comprends leurs problématiques et j’adapte mes produits en conséquence. Ils apprécient de voir un jeune entrepreneur engagé qui s’intéresse à leurs besoins. Avec les restaurateurs, c’est pareil : ils voient l’impact social et économique de notre collaboration. Étant moi-même issu du milieu de la logistique et de la restauration, je connais leurs contraintes. Cela facilite le dialogue et la recherche de solutions adaptées.

Ce qui me rend particulièrement fier, c’est de voir les habitudes alimentaires évoluer. Mes clients reviennent, contents de ce qu’ils ont mangé, et parfois surpris de découvrir de nouvelles saveurs. Mon équipe est autonome sur les tâches, et je vois mon modèle opérationnel fonctionner. Je suis curieux de ce que l’avenir me réserve. Contrairement à certaines idées reçues, même des personnes modestes ou peu diplômées peuvent être sensibles à l’écologie. Elles viennent souvent de pays directement touchés par des phénomènes climatiques extrêmes, comme la désertification ou les cyclones.

Rendre accessibles des repas équilibrés et abordables, composés de produits locaux, est une façon de les sensibiliser aux enjeux du développement durable. Avec une assiette à moins de 10 euros qui allie équilibre et saveur, je veux transmettre un message simple et éco-responsable. Ce projet incarne ma volonté de créer un modèle économique durable, tout en sensibilisant les gens aux grands enjeux de notre époque. Je crois qu’il faut un élan collectif pour que cette démarche devienne un véritable mouvement. »

Le Char Bonheur