Bibliovore

Audrey Roorda

  • Talent 2025
  • Commerce
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Talent BGE pour la région Normandie.
Membre du réseau de librairies de seconde main bibliovore, Audrey à ouvert sa boutique à Rouen.

Premières expériences

Audrey nous raconte son parcours : « J’ai obtenu un bac scientifique alors que ce n’était clairement pas ma vocation. Ensuite, j’ai fait une prépa littéraire et, en parallèle, j’ai préparé le concours de Sciences Po. J’ai été admise à Lille, où j’ai fait mes 5 ans d’études. En troisième année, j’ai passé un an à l’étranger : 6 mois à New York dans la librairie Albertine (qui appartient à l’ambassade de France), où j’étais libraire, et 6 mois à Maastricht pour étudier l’art et les sciences sociales. Ensuite, je suis rentrée en France pour un master en management des institutions culturelles à Sciences Po Lille où j’ai étudié pendant 5 ans.
Pendant mon master, je me suis un peu éloignée du monde du livre en travaillant dans un château en Normandie. J’y avais fait un stage d’été, et quand la responsable est partie, on m’a proposé de prendre sa place en alternance. J’ai géré toute la partie administrative, commerciale et événementielle. Cette liberté et ma capacité à tout gérer, seule, c’est ce qui m’a donné envie d’entreprendre.

Après ça, j’ai pris un temps de pause et fait du bénévolat dans une librairie associative. C’est là que j’ai découvert le réseau Le Bibliovore, qui cherchait des entrepreneur·e·s pour ouvrir de nouvelles boutiques. J’ai hésité à me lancer, mes parents trouvaient que c’était trop risqué. Alors, j’ai trouvé un travail salarié dans une autre région, mais ça ne m’a pas plu du tout.
À ce moment-là, le projet du Bibliovore me trottait dans la tête depuis un an. J’ai rencontré les fondateurs, Corentin et Valérie, et on a cherché le meilleur endroit pour ouvrir une boutique en Normandie. La ville de Rouen s’est imposée naturellement, car elle cochait toutes les cases par rapport à d’autres grandes villes de la région qui avaient déjà des bouquinistes bien installés.

L'accompagnement de deux réseaux

Après ma démission en août, j’ai travaillé six mois chez mon père, qui a une exploitation agricole. J’ai géré toute la partie administrative en attendant de lancer mon projet. À partir de septembre-octobre 2023, j’ai commencé à me faire accompagner par BGE Normandie pour monter mon entreprise.

En Normandie, il y a un programme régional, « Ici, je monte ma boîte », qui aide à la création d’entreprise avec un accompagnement et des subventions. J’ai découvert cela en faisant mes propres recherches, et c’est comme ça que j’ai trouvé BGE. L’accompagnement m’a vraiment aidée, surtout sur la rédaction du business model. Au cours de mes études, on ne m’a pas appris comment créer une entreprise. Je ne savais pas trop par où commencer, comment structurer mes idées, où chercher les infos. J’ai eu des rendez-vous individuels avec ma conseillère-formatrice, ce qui m’a permis de bien cadrer mon projet. Il y avait aussi des sessions en groupe sur la gestion financière et les aspects juridiques, ce qui m’a donné des bases solides.

En parallèle, j’ai beaucoup compté sur le réseau des Bibliovores. J’étais la onzième à ouvrir en France, donc je pouvais m’appuyer sur les chiffres  (prévisionnels, modèles financiers) des boutiques existantes, ce qui m’a énormément facilité la tâche. Les Bibliovores doivent toujours s’implanter en centre-ville. Il y a un petit cahier des charges à respecter pour assurer la pérennité de la boutique, notamment sur la superficie minimale pour bien stocker les livres.

Prête pour l'ouverture

Tout s’est enchaîné très vite. En octobre, j’ai commencé à chercher un local alors que mon business plan n’était même pas terminé. Une fois par semaine, j’allais à Rouen, repérais des locaux, prenais des photos, contactais des agences. Finalement, j’ai trouvé mon local grâce à un agent spécialisé en immobilier commercial. Corentin et Valérie ont validé l’endroit immédiatement après avoir vu mes vidéos. Le timing a été parfait : l’ancien locataire avait encore quelques mois d’activité, ce qui me laissait le temps de finaliser mon projet avant d’ouvrir.

Au total, entre ma décision de démissionner et l’ouverture de la librairie, sept mois se sont écoulés, ce qui est très rapide. Ce qui m’a le plus aidée, ce sont les rendez-vous individuels avec ma conseillère. J’ai vraiment besoin d’échanger de vive voix, poser mes questions en direct, voir des exemples concrets. Ça m’a permis d’aller droit au but, plutôt que de perdre du temps avec des mails ou des visios.

Une aventure entrepreneuriale rondement menée

Globalement, toute la création s’est déroulée sans accroc. Après l’ouverture, il y a eu quelques galères, comme un dégât des eaux, mais rien d’insurmontable. Quand mes proches me demandent ce qui a été le plus dur, je ne sais même pas quoi répondre, car tout s’est enchaîné de façon fluide.

J’ai grandi dans une famille d’entrepreneurs : mon père est chef d’entreprise et j’ai toujours aidé sur la ferme, même enfant. Ça m’a donné le goût de l’autonomie et de la gestion. Lui a tout de suite été partant pour mon projet, alors que ma mère était plus inquiète. Mais après ma mauvaise expérience en CDI en Dordogne, quand je leur ai dit que je voulais me lancer, ils m’ont soutenue. L’investissement restait raisonnable pour une création d’entreprise, ce qui les a rassurés. Aujourd’hui, ils sont super fiers, surtout que la librairie marche bien à Rouen. Ce que j’aime le plus, c’est d’avoir le contrôle total : tout décider, tout organiser à ma manière. Et voir les clients revenir chaque semaine, voire tous les jours, ça fait vraiment plaisir. C’est beaucoup de travail, mais ça en vaut la peine !

Mon chiffre d’affaires a été très bon dès l’ouverture. Ça me pousse à réfléchir rapidement à un recrutement. Je vais voir comment évolue l’année et gérer l’été avant de me décider. Pour l’instant, je n’ai pas encore de salaire, donc je dois d’abord atteindre cet objectif avant d’embaucher. Mais c’est normal : les gérants de Bibliovores ne se rémunèrent pas la première, voire les deux premières années. C’est une grosse charge de travail sans salaire au début, et il faut en avoir conscience avant de se lancer. Pour moi, ça devrait changer d’ici un à deux mois.

Une clientèle fidèle

Il y a plusieurs profils de clients : certains vendent des livres et rachètent avec l’argent qu’ils reçoivent, d’autres viennent uniquement acheter. Ce fonctionnement assure une rotation continue du stock. Chaque semaine, c’est entre 800 et 1 000 livres qui entrent en boutique, je range et classe chacun d’entre eux.

Tous les Bibliovores rachètent des livres tous les jours, sans rendez-vous. L’idée centrale, c’est qu’il y ait toujours du renouvellement, de nouvelles choses à découvrir. C’est ce qui pousse certains clients à revenir quotidiennement pour ne pas passer à côté d’une trouvaille, tandis que d’autres viennent simplement vider leur bibliothèque.

La communication est aussi essentielle. On n’a pas de site internet ni de base de données, donc tout repose sur mon cerveau et sur la mise en valeur des livres en boutique et sur les réseaux sociaux. Je change les vitrines chaque semaine et remplis des bacs de nouveautés pour montrer aux clients qu’il y a toujours du neuf à découvrir.

Je rachète tous les formats, mais pas tous les livres. Il faut qu’ils soient en bon état, et on privilégie ceux avec un code-barres pour éviter les vieux livres qui ne se vendent plus. En général, on rachète un peu plus de livres qu’on en vend. Ça permet d’avoir du stock en cas de creux dans les rachats et d’assurer une rotation continue des titres en rayon. »

Bibliovore Rouen

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