Selon une étude Ipsos 2,4 millions de citadins affirment vouloir s’installer durablement à la campagne. Notre experte Nikita Black, conseillère en création d’entreprise chez BGE Nièvre-Yonne, fait le tour des points incontournables à considérer avant d’entreprendre en zone rurale.
Depuis le Covid-19 et les confinements, la tendance à la néo-ruralité se confirme : il s’agit d’urbains qui, lassés des grandes villes, veulent changer de cadre de vie. Il s’agit parfois d’un retour à leurs racines familiales, mais pas toujours. L’une des plus grandes forces que l’on trouve dans les territoires ruraux, c’est un tissu social beaucoup plus resserré que dans les grandes villes. Tout le monde connait tout le monde et le bouche à oreille va très vite ! Évidemment le cadre et le rythme de vie y est différent et souvent plus agréable : quand on choisit de vivre à la campagne, on y gagne souvent en qualité de vie. Le foncier est également plus accessible, les espaces de stockages sont très bon marché. Il existe des aides à l’installation quand on veut entreprendre, dans la plupart des zones rurales. Beaucoup de collectivités locales sont très investies dans le développement économique de leurs territoires et selon les endroits, des aides supplémentaires, de la région, du département ou de la commune peuvent être mobilisées.
S’il y a des aides alléchantes, elles le sont souvent pour compenser des difficultés qu’il ne faut pas sous-évaluer. Certains territoires sont en perte démographique, une spirale difficile à enrayer : quand il n’y a presque plus de commerces, que les écoles sont en passe de fermer et que le prochain médecin est situé à plusieurs dizaines de kilomètres, on comprend qu’il est compliqué d’entreprendre au cœur d’une population souvent vieillissante. Être loin des villes, signifie aussi souvent être loin des infrastructures : garderies, internet haut-débit, transports en commun… Et, en l’absence de transports, les distances constituent un véritable frein : le fait de se déplacer coûte vite cher. Alors on rationnalise ses déplacements, ce qui impacte les flux économiques. On va faire des emplettes en proximité de l’école où l’on va chercher ses enfants, ou dans la galerie marchande de la grande surface la plus proche, voire faire directement des achats en ligne : le prix de la livraison pouvant revenir moins cher que le déplacement. Consommer est une destination : on ne se trouve nulle part par hasard pour flâner. Alors il ne faut pas hésiter à viser le multi-services puisque les clients cherchent à rentabiliser leurs déplacements.
Les priorités des ruraux sont souvent très différentes de celles des urbains, notamment pour deux raisons : les revenus sont moins élevés qu’en ville et on y a moins de temps libre (plus de temps passé sur les routes, et des lieux de vie plus grands à entretenir). Par conséquent, certains marchés qui existent en ville sont inexistants en zone rurale. De plus, comme la densité est plus faible, le potentiel de clientèle est mécaniquement moins important. Les territoires étant très différents les uns des autres : l’attractivité touristique et la saisonnalité (ou leur absence) peuvent être des facteurs déterminants.
S’il est important, dans tous les cas, de faire une étude de marché avant d’entreprendre, c’est vraiment primordial si on prévoit de le faire en zone rurale. Il faut répondre à la question : est-ce que ce que je souhaite proposer répond à un besoin (problème/envie) du client, mais surtout à une demande (besoin pour lequel les clients sont prêts à débourser de l’argent) ? Si la réponse est oui, alors il faut étudier les habitudes de consommation, les prix, les marges (certaines choses coûtent plus cher à la campagne), la concurrence, les volumes atteignables, qui sont différents de ceux de la ville… Il faut aussi segmenter son marché, identifier la clientèle possible pour évaluer le potentiel de chiffre d’affaires par segment… La première cause d’échec est partout la même : des idées préconçues qui ne sont pas confrontées à la réalité du terrain. Dans tous les cas, soyez proches de vos clients, écoutez leurs retours et surtout, prenez-les en compte. Veillez aussi à l’adéquation personne/projet. Est-ce que ça va correspondre à vos habitudes de vie ? Est-ce que les revenus générés vous permettront d’atteindre un niveau de vie qui vous conviendra ?
Si vous êtes un nouvel arrivant dans la région, venez tester la vie locale, mais pas en week-end ou sur un mois de vacances. Vivez la réalité du terrain. N’hésitez pas à faire des petits boulots alimentaires avant de mettre en mouvement votre projet entrepreneurial. Ça vous permettra de mieux connaitre les habitants du territoire, leur fonctionnement, leurs besoins, leurs aspirations, en plus de commencer à travailler votre réseau. Vous aurez ainsi déjà avancé sur le plus important : votre intégration. Vous gagnerez en crédibilité lorsque vous monterez votre projet. Il faut être bien dans ses baskets, pour entreprendre mais encore plus quand on doit comprendre un nouvel environnement, aller vers les autres, se remettre en question, prendre sur soi. Même s’il est tentant de se rapprocher d’autres nouveaux arrivants, il faut éviter l’entre-soi, participer à la vie locale et aller vers ses voisins.
Si vous habitez la région où vous souhaitez entreprendre : n’hésitez pas à vous servir d’internet pour vous inspirer des tendances, voir ce qui se passe ailleurs (même à l’étranger). Il faut s’ouvrir également aux modes de financement alternatifs comme le crowdfunding et ne pas se contenter de ses économies personnelles et des prêts bancaires. Commerce et artisanat traditionnel ne veut pas dire figé dans le temps. Les savoir-faire peuvent être adaptés à leur époque en termes de concept, ou même de modèles de distribution. Par exemple, on a vu des distributeurs automatiques de fromages mis en place par des producteurs locaux : ça leur permet de vendre leurs produits sans avoir à être sur place. N’hésitez pas à vous former aux outils numériques, et au marketing pour faire de votre authenticité une vraie force.
Ce guide mis à disposition par le Ministère de l’Économie recueille des informations utiles pour toutes les petites entreprises et les commerces. À noter : les secteurs d’activité pour lesquels la demande est la plus forte sont le médical (médecins et infirmiers libéraux sont très demandés) ainsi que le bâtiment : grâce à un marché immobilier dynamique, les travaux de rénovations sont nombreux et sont souvent en attente de nombreux mois quand la demande dépasse l’offre. Si vous avez un projet innovant, n’hésitez pas à vous renseigner sur ce concours. En revanche, restez éloignés des secteurs tels que le coaching ou le bien-être qui sont moins demandés qu’en ville et dont le marché est vite saturé.
Compte tenu du contexte et des enjeux : se faire accompagner par une personne qui connait le territoire, qui vous facilitera la mise en réseau, et qui pourra vous accompagner l’étude de marché est évidemment un must.