Christelle a fait l’École du Service de Santé des Armées. Elle est devenue pharmacienne militaire, puis pharmacienne cheffe de service dans un hôpital militaire. Après plusieurs années, Christelle réfléchit à ce qu’elle aime dans son métier, et à ce qu’elle aurait envie de faire à l’avenir. « Hors de question d’attendre la retraite militaire puis de ne plus rien faire ! » Nous confie-t-elle. « J’avais envie de rebondir, de faire autre chose. J’ai toujours aimé la botanique, les plantes, c’était dans mon cursus de départ. Ça a été comme un loisir tout au long de ma vie; ne pas croiser une plante sans essayer de l’identifier. J’ai réfléchi au concept de plantes médicinales, et l’aide qu’elles peuvent apporter. Je ne pense pas qu’on puisse tout soigner avec des plantes, mais avec une bonne hygiène de vie, elle peuvent contribuer au maintien en bonne santé. J’avais envie d’un métier concret, terre à terre, loin des bureaux, des rapports, des comptes-rendus… De choses simples comme de toucher la terre avec ses mains.
J’ai naturellement commencé à réfléchir à la production de plantes médicinales et aromatiques. Pendant ma dernière année à l’hôpital, j’ai suivi une formation par correspondance à l’École Lyonnaise des Plantes Médicinales. Puis, pour le volet culture, une autre formation dans le Jura au CFPPA.
C’était compliqué de trouver un terrain, jusqu’au jour où j’ai reçu une réponse positive de la mairie qui acceptait de me louer un terrain en friche. Et là encore, pour le défricher seule à la main, j’en aurais eu pour des mois ! Heureusement, j’ai trouvé quelqu’un qui m’a prêté un tracteur ! J’ai eu pas mal de frais pour mon installation, il y avait beaucoup de choses à acheter : des plantes, des semis, des outils, du matériel de culture, des sachets pour le conditionnement, et un séchoir pour les plantes. Sauf qu’un séchoir, ça ne s’achète pas, ça se fabrique, en bois, et pas avec n’importe quel bois ! Il a fallu me renseigner et concevoir les plans avant de pouvoir le construire.
C’est un travail qui est très saisonnier, on dépend du rythme de la nature. En hiver, je travaille trois jours par semaine, mais l’été c’est 7 jours sur 7 ! Il faut désherber absolument tous les jours, et récolter tous les matins. L’après-midi il fait trop chaud pour être sur le terrain, alors je trie mes plantes séchées, je fais mon administratif, je prépare les conditionnements. À l’automne, on prépare déjà la terre à la saison suivante avec l’épandage de fumier. C’est très physique ! Finalement, c’est au printemps que le travail est le plus agréable, quand on peut profiter du retour du soleil avant qu’il ne fasse trop chaud. C’est bien plus plaisant que d’être enfermée dans un bureau !
Je me suis installée le 1er mars 2022 et j’ai vendu le produit de mes premières récoltes sur les marchés en septembre 2022.
Ce n’est pas évident de créer une entreprise quand on a été militaire toute sa vie. En 2020, soit deux ans avant mon lancement, je m’étais rapprochée du bureau pour faire une reconversion, sans savoir vraiment ce que j’allais faire. C’était encore très flou. J’ai bénéficié du dispositif Défense Mobilité* qui m’a redirigé chez BGE Alsace-Lorraine. Grâce à cela j’ai eu accès à un site web (Balise) sur lequel j’ai pu consulter des dossiers complets de métiers, ce qu’il faut en termes de profil, d’aptitudes physiques et intellectuelles, et quel type de contraintes pour tout ce qui touchait aux domaines qui m’intéressaient en rapport avec la nature : j’ai fait des recherches sur l’arboriculture le maraichage, l’apiculture, ça m’a ouvert des horizons et ça m’a fait réaliser par exemple que l’apiculture, dans un cadre professionnel, ce n’est pas pour moi : porter une hausse pleine de miel c’est très lourd !
Internet c’est très bien pour faire des recherches et trouver de l’information mais souvent c’est difficile de faire le tri parmi tout ce que l’on trouve. Heureusement dans le parcours il y avait des visios avec des gens qui ont créé leur entreprise et qui ont pu me parler de leur expérience, en plus de l’accompagnement BGE sur tous les sujets importants : les étapes de la création, la définition du projet, du budget, le choix des bons les statuts fiscaux et juridiques…
On m’a orientée sur le fait de faire des enquêtes métier au téléphone. Ça m’a vraiment beaucoup aidée. Ça devrait être obligatoire : ça donne vraiment la base de ce qu’il faut savoir grâce à des réponses concrètes collectées auprès des professionnels. J’ai même réussi à faire un stage de deux semaines chez une productrice de plantes médicinales et aromatiques pendant ma formation. J’ai beaucoup appris sur le terrain notamment des techniques pour les étapes entre la culture et le conditionnement.
*: Défense Mobilité est un dispositif ministériel d’accompagnement à la reconversion pour les militaires et leurs conjoints.
Le choix des plantes a été pour moi l’étape la plus facile : j’avais une idée très précise des plantes que je voulais cultiver : trois sortes de menthe, de la verveine, du romarin, de la lavande, du fenouil, de la mauve, du bouillon blanc, du calendula, des bleuets, de la marjolaine, de l’origan, deux variétés de thym, de l’hysope, et de la sauge. Je fais aussi de la cueillette sauvage d’ortie, de pissenlit, de framboisier, de ronce, de sureau, de coquelicot, de frêne et d’acacia pour compléter.
Je fais tout absolument toute seule et à la main. Ça prend beaucoup de temps, mais je ne propose que des produits de très haute qualité et bio. Tout est conditionné post séchage feuille par feuille, et uniquement avec des belles feuilles entières pas de végétaux hachés chez moi ! Je confectionne moi-même les gelées et les sirops. Je me suis rendue compte qu’en saison le pesto à l’ail des ours a eu beaucoup de succès, plus que certaines gelées, je l’ai noté pour l’année suivante pour m’adapter à mon public.
Ce qui me fait le plus plaisir c’est quand des clients me cherchent sur un marché, qu’ils reviennent me voir parce qu’ils ont vraiment apprécié mes produits. Je me suis mise aux réseaux sociaux et c’est très agréable de voir la communauté grandir et les likes sur les contenus que je partage. Ça permet de montrer que l’entreprise est vivante !
J’ai fait référencer certains de mes produits dans des magasins de producteurs et des magasins bio, et ils ont eu beaucoup de succès, tellement que dans certains cas, je n’ai pas pu faire face à la demande ! Je n’ai pas la possibilité d’augmenter ma production facilement. Ces limites sont inhérentes à certains de mes choix : la taille de mon terrain, le fait de travailler seule et à la main… Ça fait des petits volumes de production et un petit chiffre d’affaires ! Mais c’est une activité que je trouve épanouissante et qui me fait un complément de revenus à ma retraite militaire.
J’ai réfléchi à me diversifier, les étapes suivantes seront probablement autour de la formation en botanique pour les adultes ou de petites randonnées avec reconnaissance des plantes pour des petits groupes ou des familles.
Si je devais donner un conseil à quelqu’un qui a envie de créer son entreprise ce serait d’être curieux, de chercher des personnes qui ont des activités similaires à celle qu’ils ont envie de développer, et de leur poser des questions. Préparez une petite liste pour éviter de les bombarder de questions, c’est important de respecter leur temps. N’hésitez pas à parler de votre projet à tout le monde autour de vous ! On ne sait jamais comment les personnes autour de vous vont spontanément vous aider ! Dans mon cas, c’est une dame qui tenait un café, dans lequel se trouvait un point Mondial Relay, qui m’a mise en relation avec la personne qui a pu me prêter le tracteur pour défricher le terrain au tout début !