Didier Roche

Inclusion, accompagnement, et compensation du handicap des entrepreneurs

Publiée le 18/11/2022

Un entretien avec Didier Roche multi-entrepreneur non-voyant et administrateur de BGE Réseau.

Un entretien avec Didier Roche multi-entrepreneur non-voyant et administrateur de BGE Réseau.

Dans le cadre de la SEEPH 2022 (Semaine Européenne pour l’Emploi des Personnes en situation de handicap du 14 au 20 novembre). Nous interrogeons Didier Roche sur les thématiques de l’inclusion, de l’accompagnement, et de la compensation du handicap des entrepreneurs.

« La plus grande question autour du handicap est celle de la compensation de ce dernier. Elle est multiple puisqu’adaptée à chaque personne selon sa situation. On peut la regrouper en trois grandes familles :

  • La compensation technique qui vise à compenser le handicap avec de la technologie.
    Par exemple la personne aveugle qui va utiliser une plage braille ou un screen reader pour accéder à un ordinateur, ou qui va utiliser des solutions de repérage ou des logiciels de positionnement dans l’espace pour se déplacer. Une personne malentendante qui utilise un appareil auditif c’est aussi une forme de compensation technique. Tout comme lorsque des personnes dans le champ de l’autisme utilisent des systèmes pour être moins soumis à des sons ou à la lumière, afin de rendre l’environnement moins agressif
  • Une autre forme de compensation c’est l’aide humaine :
    Dans ce cas, la personne en situation de handicap fait appel à une personne qui l’aide à la réalisation d’une tâche spécifique. Dans mon cas, quand je travaille sur des éléments financiers très complexes sur Excel, je vais recourir à quelqu’un de spécialisé pour me faire une synthèse du document, elle peut également isoler à ma demande des éléments précis du document. Il m’arrive également que quelqu’un mette en forme les documents que je produis, car ils ne sont pas très ergonomiques visuellement ni très jolis pour les personnes ordinaires. Ce sont les cas où j’ai recours à une aide humaine, mais cette aide peut aussi prendre la forme d’une personne qui va assurer la traduction en langue des signes, ou qui va parler pour quelqu’un qui a des difficultés d’élocution.
  • La dernière famille de compensation englobe toutes les aptitudes particulières qui vont être développées directement par les personnes en situation de handicap.  Par exemple, une personne sourde ou très malentendante va avoir un sens affiné au niveau la vue et être capable de lire sur les lèvres. Ce n’est pas qu’elle va développer une meilleure vue, mais elle va avoir une vision plus fine de son environnement. Moi, en tant que personne aveugle, comme j’ai des difficultés à accéder à l’écrit, que ce soit sur papier ou sur support informatique, j’ai développé ma mémoire pour éviter de devoir aller rechercher des informations difficilement accessibles.

Il y a différents moyens d’accéder à ces compensations. Pour la dernière catégorie il faut souvent de l’exercice et de l’expérience. Pour les deux autres, il existe des moyens de les financer car elles coûtent de l’argent : on va se tourner vers la FIPHFP si on est dans la fonction publique ou vers l’Agefiph* dans le cas contraire.

Dans le cas particulier des entrepreneurs en situation de handicap, le travers le plus commun que j’ai pu noter c’est cette tendance à refuser de l’aide par souci de ne pas faire peser son handicap sur les autres. Il ne faut pas vouloir être autonome à tout crin. De toute façon personne ne l’est vraiment. Il faut trouver le juste équilibre entre son autonomie et sa performance, et se rappeler que nous aussi nous pouvons être une aide pour les autres. »

Le monde n’est pas inaccessible par nature, il est inaccessible par méconnaissance.

« L’environnement est souvent inadapté parce qu’il est fait pour le plus grand nombre. On peut vouloir s’adapter, mais encore faut-il savoir comment faire. Et là aussi, c’est l’accompagnement qui va faire la différence. Il faut que les personnes qui vous aident à créer votre boîte sachent à minima comment se positionner, poser les bonnes questions et surtout identifier les ressources dont la personne va pouvoir disposer.

Il est primordial d’envoyer les porteurs de projet en phase de création d’entreprise vers les personnes qui ont ce savoir.  C’est cette position que l’environnement doit avoir, on ne peut pas être omniscient, ce n’est pas possible, en revanche on peut avoir une culture, trouver un spécialiste pour mettre la bonne accessibilité et la bonne compensation en face de la bonne personne.

C’est aussi dans cet optique que j’ai fondé l’Inklusion : une structure complémentaire à BGE pour prendre le relais dans le cadre d’un bon mode opératoire. »

 

 

* : Agefiph : Association nationale de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées