Crédit photo Karine Peron Le Ouay

« Il y a le même potentiel entrepreneurial dans les quartiers qu’ailleurs » – Entretien avec Sophie Jalabert

Publiée le 25/09/2024

BGE est un acteur majeur de l’entrepreneuriat dans les quartiers depuis plus de 20 ans. Aujourd’hui, le réseau continue de s’engager dans le cadre du programme « Entrepreneuriat Quartiers 2030 » - opéré par Bpifrance et financé par l’Etat et la Caisse des Dépôts via la Banque des Territoires - en pilotant plusieurs programmes d’accompagnement dédiés aux QPV. Nous vous proposons à cette occasion de découvrir "Quartiers : destination entrepreneuriat", une série d’articles qui s’intéressent à l’entrepreneuriat dans les quartiers, à son histoire et aux dispositifs qui y sont déployés.

A l’occasion du lancement du programme « Entrepreneuriat Quartiers 2030 », Sophie Jalabert, déléguée générale de BGE, revient sur l’histoire du Réseau dans les quartiers prioritaires et sur sa vision d’un accompagnement centré sur la personne et ses compétences.

Depuis quand le réseau BGE est-il mobilisé dans les quartiers ?

BGE a été créé en 1979 avec l’envie de démocratiser l’esprit d’entreprendre, de déconstruire les déterminismes et de faire émerger de nouveaux profils de créateur·rice·s de richesse, dans tous les territoires.

L’implication de BGE dans les quartiers vient d’une double dynamique, qui s’est formalisée dans les années 2000. En interne tout d’abord, car nous avons lancé à cette période le programme BGE Ville dont l’idée première, fidèle à notre projet associatif, était d’être présents dans ces territoires en ouvrant des permanences pour être sur le terrain, accessibles, et comprendre les réalités et enjeux locaux.

De l’environnement ensuite, car nous avons été sollicités par le ministère de la Ville, à l’époque dirigé par Claude Bartolone, pour lancer une dynamique positive dans les quartiers sur le sujet du développement économique. De cette démarche est né le concours Talents des Cités, qui met en lumière le potentiel entrepreneurial dans les quartiers.

Quels sont les freins à l’entrepreneuriat dans les QPV ?

Les entrepreneur·e·s des QPV sont des entrepreneur·e·s avant tout. Il se trouve qu’ils sont nés ou qu’ils habitent dans des territoires qui présentent des difficultés particulières : un niveau de précarité plus élevé, un accès aux réseaux professionnels plus faible, un accès au financement plus difficile. Mais ce n’est pas l’envie d’entreprendre qui manque.

Il faut tenir compte de ces difficultés pour accompagner au mieux, ne pas ignorer qu’il y a des populations plus précaires dans les QPV que dans d’autres territoires, mais ne pas enfermer ces entrepreneur·e·s dans une « case quartier ».

D’autant que l’on constate que des contextes différents peuvent aussi présenter certains avantages : le multiculturalisme, la maîtrise de plusieurs langues ou encore l’entretien de liens avec d’autres pays dans lesquels mettre en place des stratégies commerciales peuvent être des atouts pour qui veut entreprendre.

Comment le réseau BGE adapte-t-il son accompagnement aux contraintes des personnes ?

Aller chercher l’entrepreneur·e où il est, c’est ça l’enjeu. Nous mettons en place depuis toujours une stratégie d’aller vers, en nous implantant dans les territoires. Les contextes locaux ne sont pas tous les mêmes, il faut les connaître et créer du lien avec les acteurs du terrain pour donner accès aux ressources à tous les porteur·euse·s de projet : leur faire connaître les dispositifs de droit commun, leur donner accès aux réseaux entrepreneuriaux, les aider à accéder au financement et travailler avec eux sur la confiance dans la capacité à agir.

Pendant toute la durée du parcours d’accompagnement, nous gérons la complexité des personnes, en intégrant les composantes des contextes et des personnalités. Nous travaillons sur le projet de la personne et sur ses capacités, comme nous le faisons finalement pour tous les entrepreneur·e·s, avec ce credo « à chaque histoire entrepreneuriale, une histoire particulière qu’il faut intégrer dans notre approche ».

Quel impact à long terme est attendu en intervenant aujourd’hui dans ces territoires ?

L’objectif, c’est vraiment de gommer les différences territoriales. Il y a le même potentiel entrepreneurial dans les quartiers qu’ailleurs, donc il n’y a pas de raisons que ces entrepreneur·e·s n’aient pas les mêmes droits et qu’ils soient contraints par leur lieu de vie.

Tout le monde est légitime à se lancer dans un projet entrepreneurial. Ce message, nous le faisons aussi passer en travaillant avec les établissements scolaires, les clubs sportifs, les missions locales, etc.

BGE va s’impliquer encore plus dans les QPV dans le cadre du programme « Entrepreneuriat Quartiers 2030 ». Comment ?

« Entrepreneuriat Quartiers 2030 » va créer un élan en mobilisant l’écosystème entrepreneurial en faveur des quartiers prioritaires. Le programme se concentre sur les différentes phases du projet entrepreneurial, de l’émergence au développement, tout en ayant une approche globale et « systémique ». C’est une vision à laquelle nous croyons beaucoup chez BGE.

Le programme a deux vocations : augmenter le taux de passage à l’acte, qui est plus faible pour les entrepreneur·e·s des quartiers, et sécuriser la viabilité des projets et in fine la réussite entrepreneuriale. Deux sujets sur lesquels notre réseau travaille depuis toujours.

En augmentant les moyens dédiés à ces deux objectifs, « Entrepreneuriat Quartiers 2030 » nous permet d’aller toujours plus loin sur l’acquisition des compétences clés pour les entrepreneur·e·s, comme la posture entrepreneuriale – il faut leur apprendre à pivoter et à s’adapter – ou encore la stratégie commerciale. D’autres thématiques sont également stratégiques et occupent une place prépondérante dans le programme, comme la compréhension des enjeux du financement et la mise en réseau ; sur ces sujets, la coopération avec les autres acteurs de l’écosystème est essentielle. Nous allons, dans ce cadre, développer encore plus nos coopérations avec des experts comme France Active et Réseau Entreprendre par exemple, afin de répondre avec efficacité et simplicité aux besoins des personnes suivies.

BGE va piloter des programmes à toutes les étapes du processus entrepreneurial : avant la création avec les Bus de l’entrepreneuriat et les CitésLab ; sur la structuration du projet avec les accompagnements renforcés et en orientant les entrepreneur·e·s vers les financeurs ; sur le développement, en portant des promotions d’Accélérateurs. Et, bien sûr, nous continuerons d’être opérateurs du concours Talents des Cités, pour valoriser les réussites entrepreneuriales.

Ces moyens supplémentaires nous obligent ; il nous faut collectivement espérer – et s’engager – dans les modifications structurelles que ces programmes peuvent générer.